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ÉTAT-MAJOR D’AUGEREAU.

cavaliers formés par moi. Cette perspective était peu agréable ; mais comment la changer ? Un régiment doit toujours être alimenté par des recrues, et il était certain que mon colonel, m’ayant envoyé à l’école de cavalerie pour apprendre à dresser ces recrues, ne voudrait pas se priver des services que je pouvais rendre sous ce rapport, et m’exclurait de ses escadrons de guerre ! J’étais dans cette perplexité, lorsqu’un jour, me promenant au bout de l’avenue de Paris, mon livre de théorie à la main, il me vint une idée lumineuse, qui a totalement changé ma destinée, et infiniment contribué à m’élever au grade que j’occupe.

Je venais d’apprendre que le premier Consul, ayant à se plaindre de la cour de Lisbonne, avait ordonné de former à Bayonne un corps d’armée destiné à entrer en Portugal, sous les ordres du général en chef Augereau. Je savais que celui-ci devait une partie de son avancement à mon père, sous les ordres duquel il avait servi au camp de Toulon et aux Pyrénées, et bien que l’expérience que j’avais acquise à Gênes, après la mort de mon père, ne dût pas me donner une bonne opinion de la reconnaissance des hommes, je résolus d’écrire au général Augereau pour lui faire connaître ma position et le prier de m’en sortir, en me prenant pour un de ses aides de camp. Ma lettre écrite, je l’envoyai à ma mère, pour savoir si elle l’approuvait : non seulement elle lui donna son assentiment, mais sachant qu’Augereau était à Paris, elle voulut la lui remettre elle-même. Augereau reçut la veuve de son ami avec les plus grands égards ; montant sur-le-champ en voiture, il se rendit chez le ministre de la guerre, et, le soir même, il porta à ma mère mon brevet d’aide de camp. Ainsi se trouva accompli le désir que, vingt-quatre heures avant, je considérais comme un rêve !… Dès le lendemain, je courus