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ÉCOLE DE VERSAILLES.

moins pénibles. À mon arrivée à Paris, je trouvai ma mère très affligée, tant à cause de la perte cruelle que nous venions de faire, que du prochain départ d’Adolphe pour l’Inde et de la détention de mon oncle Canrobert, laquelle se prolongeait indéfiniment.

Nous passâmes un mois en famille, après quoi mon frère aîné se rendit à Brest, où il s’embarqua bientôt pour Pondichéry sur le Marengo. Quant à moi, j’allai m’établir à l’école de cavalerie, casernée aux grandes écuries de Versailles.

On me logea au premier, dans les appartements occupés jadis par le prince de Lambesc, grand écuyer. J’avais une très grande chambre et un immense salon ayant vue sur l’avenue de Paris et la place d’Armes. Je fus d’abord très étonné qu’on eût traité si bien l’élève le plus récemment arrivé, mais j’appris bientôt que personne n’avait voulu de cet appartement, à cause de son immensité, qui le rendait vraiment glacial, et que très peu d’officiers-élèves avaient le moyen de faire du feu. Heureusement que je n’en étais pas tout à fait réduit là. Je fis établir un bon poêle, et avec un très grand paravent, je fis dans le vaste appartement une petite chambre, que je meublai passablement, car on ne nous fournissait qu’une table, un lit et deux chaises, ce qui était peu en rapport avec les vastes pièces de mon logement. Je m’arrangeai cependant très bien dans mon appartement, qui devint même charmant au retour du printemps.

Il ne faut pas que le titre d’élève qui nous était donné vous porte à croire qu’on nous menait comme des écoliers, car nous étions libres de nos actions, trop libres même. Nous étions commandés par un vieux colonel, M. Maurice, que nous ne voyions presque jamais et qui ne se mêlait de rien. Nous avions, trois