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CONSPIRATION DE RENNES.

adoré. On s’élance vers la tour Labat, mais on la trouve environnée par quatre mille gendarmes et les bataillons du 79e. Les assaillants étaient certainement plus nombreux, mais ils manquaient de cartouches, et en eussent-ils eu, qu’il aurait répugné à beaucoup d’entre eux de tirer sur leurs camarades pour amener un simple changement de personnes dans le gouvernement établi. Le général Virion et le préfet les haranguèrent pour les engager à rentrer dans le devoir. Les soldats hésitaient ; ce que voyant les chefs, aucun d’eux n’osa donner le signal de l’attaque à la baïonnette, le seul moyen d’action qui restât. Insensiblement, les régiments se débandèrent, et chacun se retira dans sa caserne. Le commandant Fourcart, resté seul, fut conduit à la tour, ainsi que le pauvre imprimeur.

En apprenant que l’insurrection avait avorté à Rennes, tous les officiers des autres régiments de l’armée de Bretagne la désavouèrent ; mais le premier Consul ne fut pas la dupe de leurs protestations. Il hâta leur embarquement pour Saint-Domingue et les autres îles des Antilles, où presque tous trouvèrent la mort, soit dans des combats, soit par la fièvre jaune.

Dès les premiers aveux du général Simon, et bien que la victoire ne fût pas encore assurée, M. Mounier avait expédié une estafette au gouvernement, et le premier Consul mit en délibération s’il ferait arrêter Bernadotte et Moreau. Cependant, il suspendit cette mesure faute de preuves ; mais pour en avoir, il ordonna de visiter tous les voyageurs venant de Bretagne.

Pendant que tout cela se passait, le bon Joseph arrivait tranquillement à Versailles dans le cabriolet de mon frère, et grande fut sa surprise, lorsqu’il se vit empoigner par des gendarmes, qui, malgré ses protestations, le menèrent au ministère de la police. Vous pensez