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CONSPIRATION DE RENNES.

ment dont Bonaparte était le chef. Je vais donner sur cette conspiration des détails d’autant plus intéressants qu’ils n’ont jamais été connus du public, ni peut-être même par le général Bonaparte.

Les généraux Bernadotte et Moreau, jaloux de la position élevée du premier Consul, et mécontents du peu de part qu’il leur donnait dans les affaires publiques, avaient résolu de le renverser et de se placer à la tête du gouvernement, en s’adjoignant un administrateur civil ou un magistrat éclairé. Pour atteindre ce but, Bernadotte, qui, il faut le dire, avait un talent tout particulier pour se faire aimer des officiers et des soldats, parcourut les provinces de son commandement, passant la revue des corps de troupes, et employant tous les moyens pour se les attacher davantage : cajoleries de tous genres, argent, demandes et promesses d’avancement, tout fut employé envers les subalternes, pendant qu’en secret il dénigrait auprès des chefs le premier Consul et son gouvernement. Après avoir désaffectionné la plupart des régiments, il devint facile de les pousser à la révolte, surtout ceux qui, destinés à l’expédition de Saint-Domingue, considéraient cette mission comme une déportation.

Bernadotte avait pour chef d’état-major un général de brigade nommé Simon, homme capable, mais sans fermeté. Sa position le mettant à même de correspondre journellement avec les chefs de corps, il en abusa pour faire de ses bureaux le centre de la conspiration. Un chef de bataillon nommé Fourcart, que vous avez connu vieux et pauvre sous-bibliothécaire chez le duc d’Orléans, chez lequel je l’avais placé par pitié pour ses trente années de misère, était alors attaché au général Simon, qui en fit son agent principal. Fourcart, allant de garnison en garnison, sous prétexte de service, organisa une