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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Le commandant Blancheville se rendit le soir au cercle de Mme Gudin. Le général Bourcier, qui s’y trouvait, ayant parlé de ce qu’il appelait mon équipée, M. Blancheville expliqua les motifs de mes irrésistibles éclats de rire. À ce récit, les généraux, les dames et tout l’état-major rirent aux larmes, et leur gaieté redoubla en voyant entrer le beau capitaine B…, qui, ayant convenablement replacé ses faux mollets, venait se pavaner dans cette brillante société, sans se douter qu’il était une des causes de son hilarité. Le général Bourcier comprit que s’il n’avait pu s’empêcher de rire aux éclats, au simple exposé du tableau que j’avais eu sous les yeux, il était naturel qu’un jeune sous-lieutenant n’eût pu se contenir, lorsqu’il avait été témoin d’un spectacle aussi ridicule. Il leva donc mes arrêts, et m’envoya chercher à l’instant.

Dès que j’entrai dans le salon, l’inspecteur général et toute l’assemblée partirent d’un immense éclat de rire, auquel mes souvenirs du matin me firent prendre une large part, et la gaieté devint frénétique lorsqu’on vit M. B…, qui seul en ignorait la cause, aller de l’un à l’autre demander de quoi il s’agissait, tandis que chacun regardait ses mollets !