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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

quitter l’école. Une bonne occasion s’offrit à lui. Le gouvernement venait d’ordonner la création d’un nouveau régiment qui se formait dans le département de la Seine. Les officiers de ce corps devaient être proposés par le général Lefebvre, qui, ainsi que vous l’avez vu plus haut, avait remplacé mon père dans le commandement de la division de Paris. Le général Lefebvre saisit avec empressement l’occasion d’être utile au fils de l’un de ses anciens camarades, mort en servant son pays ; il nomma donc mon frère sous-lieutenant dans ce nouveau corps. Jusque-là tout allait bien ; mais, au lieu d’aller joindre sa compagnie, et sans même attendre mon retour de Gênes, Adolphe s’empressa de se rendre à Rennes auprès de Bernadotte, qui, sans autre considération, donna la place à celui des deux frères qui arriva le premier, comme s’il se fût agi d’un prix à la course !… De sorte que, en rejoignant à Rennes l’état-major de l’armée de l’Ouest, j’appris que mon frère avait reçu le brevet d’aide de camp titulaire auprès du général en chef, et que je n’étais qu’aide de camp à la suite, c’est-à-dire provisoire. Cela me désappointa beaucoup, car si je m’y fusse attendu, j’aurais accepté la proposition du général Masséna, mais il n’était plus temps ! En vain le général Bernadotte m’assura qu’il obtiendrait que le nombre de ses aides de camp fût augmenté, je ne l’espérais pas et compris que sous peu on me ferait aller ailleurs. Jamais je n’ai approuvé que deux frères servissent ensemble dans le même état-major ou dans le même régiment, parce qu’ils se nuisent toujours l’un à l’autre. Vous verrez que dans le cours de notre carrière il en fut souvent ainsi.

L’état-major de Bernadotte était alors composé d’officiers qui parvinrent presque tous à des grades élevés. Quatre d’entre eux étaient déjà colonels, savoir :