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ÉVACUATION DE GÊNES.

marche. Mais l’amiral Keith leva cette difficulté. On allait signer le traité, lorsque plusieurs coups de canon se firent entendre dans le lointain, au milieu des montagnes !… Masséna posa la plume en s’écriant : « Voilà le premier Consul qui arrive avec son armée !… » Les généraux étrangers restent stupéfaits, mais, après une longue attente, on reconnut que le bruit provenait du tonnerre, et Masséna se résolut à conclure.

Les regrets portaient non seulement sur la perte du complément de gloire que la garnison et son chef auraient acquis, s’ils eussent pu conserver Gênes jusqu’à l’arrivée du premier Consul ; mais Masséna aurait désiré, en résistant quelques jours encore, retarder d’autant le départ du corps du général Ott. Il prévoyait bien que le général devait se rendre vers le feld-maréchal Mélas, auquel il serait d’une grande utilité pour la bataille que celui-ci allait livrer au premier Consul. Cette crainte, bien que fondée, ne se réalisa pas, car le général Ott ne put rejoindre la grande armée autrichienne que le lendemain de la bataille de Marengo, dont le résultat eût été bien différent pour nous, si les Autrichiens, que nous eûmes tant de peine à vaincre, eussent eu vingt-cinq mille hommes de plus à nous opposer. Ainsi, non seulement la puissante diversion que Masséna avait faite en défendant Gênes avait ouvert le passage des Alpes et livré le Milanais à Bonaparte, mais encore elle le débarrassa de vingt-cinq mille ennemis le jour de la bataille de Marengo.

Les Autrichiens prirent possession, le 16 prairial, de la ville de Gênes, dont le siège avait duré deux mois complets !…

Notre général en chef attachait tant d’importance à ce que le premier Consul fût prévenu en temps opportun du traité qu’il venait de conclure, qu’il avait