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ÉVACUATION DE GÊNES.

parcs d’artillerie et de munitions de guerre, dont le passage à travers les défilés des Alpes éprouvait de grandes difficultés. Ce retard donna au maréchal Mélas le temps d’accourir de Nice, avec ses principales forces, pour s’opposer au premier Consul, qui dès lors ne pouvait continuer sa marche sur Gênes avant d’avoir battu l’armée autrichienne.

Mais pendant que Bonaparte et Mélas faisaient dans le Piémont et dans le Milanais des marches et contre-marches, pour se préparer à la bataille qui devait décider du sort de l’Italie et de celui de la France, la garnison de Gênes se trouvait réduite aux derniers abois. Le typhus faisait d’affreux ravages ; les hôpitaux étaient devenus d’affreux charniers ; la misère était à son comble. Presque tous les chevaux avaient été mangés, et bien que bon nombre de troupes ne reçussent depuis longtemps qu’une demi-livre de très mauvaise nourriture, la distribution du lendemain n’était pas assurée ; il ne restait absolument rien lorsque, le 15 prairial, le général en chef réunit chez lui tous les généraux et les colonels, pour leur annoncer qu’il était déterminé à tenter de faire une trouée avec ce qui lui restait d’hommes valides, afin de gagner Livourne. Mais tous les officiers lui déclarèrent à l’unanimité que les troupes n’étaient plus en état de soutenir un combat, ni même une simple marche, si, avant le départ, on ne leur donnait assez de nourriture pour réparer leurs forces… et les magasins étaient absolument vides… Le général Masséna, considérant alors qu’après avoir exécuté les ordres du premier Consul en faisant son entrée en Italie, il était de son devoir de sauver les débris d’une garnison qui avait si vaillamment combattu, et que la patrie avait intérêt à conserver, prit enfin la résolution de traiter de l’évacuation de la place,