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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

trés dans le camp autrichien, ignoraient l’engagement que leurs chefs avaient pris pour eux, on les incorporait dans d’autres régiments et on les forçait à combattre encore contre les Français. S’ils retombaient entre nos mains, ce qui arrivait souvent, nous les rendions de nouveau ; on les incorporait derechef dans d’autres bataillons, et il y eut ainsi une grande quantité de ces hommes qui, de leur propre aveu, furent pris quatre ou cinq fois pendant le siège. Le général Masséna, indigné d’un tel manque de loyauté de la part des généraux autrichiens, décida cette fois que les trois mille grenadiers qu’il venait de prendre seraient retenus, officiers et soldats, et pour que le soin de les garder n’augmentât pas le service des troupes, il fit placer ces malheureux prisonniers sur des vaisseaux rasés, au milieu du port, et fit braquer sur eux une partie des canons du môle ; puis il envoya un parlementaire au général Ott, qui commandait le corps autrichien devant Gênes, pour lui reprocher son manque de bonne foi et le prévenir qu’il ne se croyait tenu de donner aux prisonniers que la moitié de la ration que recevait un soldat français, mais qu’il consentait à ce que les Autrichiens s’entendissent avec les Anglais, pour que des barques apportassent tous les jours des vivres aux prisonniers et ne les quittassent qu’après les leur avoir vu manger, afin qu’on ne crût pas que lui, Masséna, se servît de ce prétexte pour faire entrer des vivres pour ses propres troupes. Le général autrichien, espérant qu’un refus amènerait Masséna à lui rendre ses trois mille hommes qu’il comptait probablement faire combattre encore contre nous, refusa la proposition philanthropique qui lui était faite ; alors Masséna exécuta ce qu’il avait annoncé.

La ration des Français se composait d’un quart de