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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

faisait un feu terrible sur nos troupes ! Nous sabrons une partie des artilleurs ; le reste se cache sous les caissons, où nos sabres ne peuvent les atteindre.

Selon les instructions données par Pertelay jeune, nous ne devions ni tuer, ni blesser les soldats du train, mais les forcer, la pointe du sabre au corps, à pousser leurs chevaux en avant et à conduire les pièces jusqu’à ce que nous ayons atteint la ligne française. Cet ordre fut parfaitement exécuté pour six pièces, dont les conducteurs restés à cheval obéirent à ce qu’on leur prescrivit ; mais ceux des deux autres canons, soit par frayeur, soit par résolution, se jetèrent à bas de leurs chevaux, et bien que quelques housards prissent ces animaux par la bride, ils ne voulurent pas marcher. Les bataillons ennemis peu éloignés arrivent au pas de course au secours de leur batterie ; les minutes étaient des heures pour nous ; aussi Pertelay jeune, satisfait d’avoir pris six pièces, ordonna-t-il d’abandonner les autres et de nous diriger au galop avec notre capture sur l’armée française.

Cette mesure était prudente, elle devint fatale à notre brave chef, car à peine eûmes-nous commencé notre retraite, que les artilleurs et leurs chefs, sortant de dessous les caissons où ils avaient trouvé un asile assuré contre nos sabres, chargent à mitraille les deux pièces que nous n’avions pu enlever, et nous envoient une grêle de biscaïens dans les reins !…

Vous concevez que trente cavaliers, six pièces attelées chacune de six chevaux conduits par trois soldats du train, tout cela, marchant en désordre, présente une grande surface ; aussi les biscaïens portèrent-ils presque tous. Nous eûmes deux sous-officiers et plusieurs housards tués ou blessés, ainsi qu’un ou deux conducteurs ; quelques chevaux furent aussi mis hors de combat, de