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agréée par le Souverain, M. Haussmann accepta de son côté la grande mission qui lui était proposée.

Dans ses différents postes, comme plus tard à Paris, Haussmann montra un talent hors ligne d’administrateur, une habileté féconde en ressources, une fermeté inébranlable de caractère, une activité infatigable et une puissance extraordinaire de travail.

Il aimait à dire que la tête d’un Préfet, dont l’administration embrasse tous les services publics, devait être une sorte de dictionnaire encyclopédique. Son esprit d’investigation, toujours excité, le portait constamment vers les questions nouvelles qu’il n’abandonnait pas sans les avoir approfondies ; son étonnante faculté d’assimilation lui permettait de tout comprendre et de tout retenir, à tel point qu’il prenait souvent pour siennes, avec la plus entière bonne foi, les idées qu’il avait une fois adoptées. Il trouvait le moyen de tout faire et savait mener de front sans fatigue l’accomplissement régulier des devoirs si nombreux et si variés de sa charge, sans jamais se soustraire aux obligations mondaines que lui imposait sa haute situation.

Certes, l’administrateur était doublé d’un artiste, épris de toutes les grandes choses, passionné pour le beau, « cette forme excellente, artistique, du bien », et l’Académie des Beaux-Arts, dont il suivait assidûment les séances, aimait à l’entendre prendre part à ces discussions où les intérêts supérieurs de l’Art étaient en jeu.

M. Haussmann n’était peut-être pas orateur, dans le sens complet du mot, car il n’avait ni la voix puissante, ni l’éloquence entraînante qui soulèvent les foules, mais il exerçait une grande action par sa logique incomparable. Il avait le talent de convaincre les esprits par la seule force de sa dialectique et nul mieux que lui ne savait traiter et faire comprendre aux assemblées les questions les plus ardues : c’était un orateur d’affaires de premier ordre.

La raideur de formes qu’on lui a souvent reprochée n’était qu’apparente ; car, au fond, il était bienveillant pour