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vennes, et d’où partent, au nord-ouest, la chaîne de montagnes servant de limite aux arrondissements du Puy et d’Yssingeaux ; au sud-ouest et au nord-est, celle des monts du Vivarais, qui sépare : le premier, de l’arrondissement de Largentière, et le second, de celui de Tournon (Ardèche) ; et au sud-est, celle des monts du Coiron, qui traverse l’arrondissement de Privas.

Un dimanche matin, je partis à cheval, de très bonne heure, pour aller, par Saint-Jeure, dans le haut du canton de Tence, à Saint-Voye-de-Bonas, gros bourg de 2,500 âmes, centre protestant de la contrée, où se trouvait un temple régulièrement desservi. J’étais attendu chez le Pasteur, membre de la famille Laroue, la plus considérable de l’endroit.

Après un déjeuner sommaire, j’assistai au service religieux, au « prêche », comme on dit dans le pays, et je me vis, à la sortie, entouré de mes coreligionnaires, qui n’avaient pas idée jusque-là d’un Sous-Préfet protestant, et me parurent, en général, un peu bien sauvages. Ceux de la campagne venaient au temple avec un fusil accroché à l’épaule, qu’ils déposaient en entrant, et qu’ils reprenaient en quittant l’office. Dans ce groupe de réformés, sans alliances avec le reste de l’arrondissement, on conservait encore alors un profond ressentiment des « dragonnades », auxquelles leurs pères n’eurent moyen d échapper qu’en se réfugiant sur ces hauteurs, et des persécutions religieuses qui marquèrent le rétablissement des Bourbons, en 1815, et dont nous connaissons mal toute l’intensité.

Je gagnai dès onze heures, en bonne compagnie, Fay-le-Froid, chef-lieu de canton de l’arrondissement du Puy, d’où je me dirigeai vers le Mézenc, en remon-