Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune homme du meilleur monde, avec qui je me liai promptement, prenait ses repas chez mon hôtelier. Il me demanda la permission de les faire joindre aux miens, et devint ainsi mon commensal. Mais, cela ne dura guère : on le nomma bientôt Substitut à Moulins, chef-lieu de Cour d’Assises. Je ne le revis qu’à Paris, sous l’Empire. Sa carrière de Magistrat fut des plus brillantes. Il la termina, comme Premier Président de la Cour de Pau.

Un avocat d’Yssingeaux, plein d’esprit et de savoir, pour lequel j’eus également, de suite, une vive sympathie, M. Dumolin, devait aussi parvenir aux plus hauts rangs de la Magistrature. C’est seulement après mon départ qu’il y entra. Je le retrouvai de même à Paris, où il mourut Conseiller de la Cour de Cassation.

Il avait dix ans de plus que M. de Romeuf et moi. Cependant, il nous recherchait avec une certaine curiosité. Sceptique, ainsi que mon commensal, mais sans en avoir l’extrême tenue ; très libéral, dans un pays ultra-conservateur, il n’exerçait pas, sur l’arrondissement, l’influence que son talent de parole aurait pu lui conquérir. Le sérieux de mes croyances en toutes choses, avec une apparence mondaine, et mes opinions autoritaires et libérales, tout à la fois, qui ne trouvèrent complète satisfaction que bien des années après, sous le régime impérial, l’étonnaient et l’intéressaient.

La politique divisait la société de la ville et l’arrondissement entier, en deux camps.

Jusqu’en 1831, le parti légitimiste y régnait en maître. Yssingeaux avait Berryer pour député : c’est tout dire. Berryer garda son siège jusqu’en 1836. Alors, M. Cuoq,