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blessé devant ma porte, en laissant à la Justice l’appréciation des faits.

Il faut avouer que cette entrée en matière n’avait rien de réjouissant ; mais, elle me donna de suite une idée juste du caractère de mes nouveaux administrés, ivrognes et batailleurs, toujours prêts à jouer de la « coutelière » qu’ils portaient, en général, dans une poche de côté de leurs pantalons.

MON INSTALLATION.

L’« hôtel » de la Sous-Préfecture consistait en une maison bourgeoise assez modeste, avec cour et jardin.

Mon prédécesseur, nommé Daubin, un brave homme du pays, absolument incapable, n’avait jamais pu prendre la moindre autorité sur ses concitoyens. Il devait sa nomination, comme Sous-Préfet, à la Révolution de 1830, et venait d’être destitué pour une sotte affaire de localité, dans laquelle se trouvait compromis imprudemment son caractère de Magistrat.

Il avait remplacé M. de Sainte-Colombe, Sous-Préfet de la Restauration, resté dans la ville même, après sa retraite, et fort choyé par le parti légitimiste, dont lui, Daubin, était la fable.

La fille de M. de Sainte-Colombe, charmante et spirituelle personne, que j’ai retrouvée, à Paris, sous l’Empire, devint la femme de M. Boilay, publiciste distingué, puis, Secrétaire Général du Conseil d’État.

M. Daubin m’attendait, pour me proposer la cession, non seulement de ses fournitures de bureau, mais encore de son mobilier, fort modeste. Les hôtels de Sous-Préfectures, quand il en existait, ne possédaient pas de meubles,