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quer une vraie gifle, pour savoir s’il sentira celle-là. — Allons, allons, » répliquai-je, « vous êtes trop fort aux armes pour ne pas comprendre qu’il faut user de mansuétude envers les faibles. »

Après cette dernière affaire, Messieurs les Étudiants me témoignèrent un certain respect.

Je le vis bien, un jour de revue de la Garde Nationale, où je descendais à la Préfecture, en costume officiel. Comme des étudiants, qui marchaient derrière moi, disaient entre eux : — Il s’agit d’une revue de « Casimirs-Pompiers, » je ne voulus pas laisser corner à mes oreilles cette expression, dont les journaux de l’extrême Opposition firent abus, après que le Maréchal de Lobau crut habile de dissiper une émeute, sur la place Vendôme, par le jeu d’une batterie de pompes à incendie. Je me retournai brusquement : — « Qu’est-ce que vous dites ? » m’écriai-je. — « Mais, Monsieur, nous ne vous disons rien ! » — « C’est possible ; mais, quand vous aurez envie de répéter la sottise que je viens d’entendre, tenez-vous à quinze pas de distance, si vous ne voulez pas que je la prenne pour moi. » — Et je continuai ma route, sans plus, laissant fort penauds mes interlocuteurs.

Aussi, quand mon frère, une mauvaise tête et un friand de la lame, informé, je ne sais comment, à Saumur, de l’agitation de cette jeunesse, vint en congé de quelques jours, afin de me faire ses offres de service, je n’eus qu’à l’en remercier. Il tint, néanmoins, à se promener à travers Poitiers avec moi, dans l’uniforme de l’École de Cavalerie, pour voir, comme il me le dit ensuite, si le plumet blanc, qu’on avait conservé