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gien, attendant le giflé complaisant et ses témoins, qui ne tardèrent pas à paraître. Ils avaient choisi, pour arme de combat, le pistolet de tir, sans doute, parce qu’ils me savaient d’une certaine force à l’épée. Mais, je me servais encore mieux du pistolet à double détente, indiqué par eux, et cela ne laissait pas de me préoccuper sérieusement. Même à trente-cinq pas, distance initiale en pareille occurrence, je me croyais absolument sûr de toucher mon adversaire, mais non point de le blesser modérément. D’un autre côté, si, par générosité, j’attendais le feu, plus ou moins rapproché, de ce novice : au lieu de le prévenir, je risquais de me voir estropié d’une balle, bien dirigée par hasard. Ce n’était pas un résultat sans exemples.

Je fus bientôt délivré complètement de cette très pénible alternative.

Mes témoins, qui s’étaient abouchés avec les siens, revinrent vers moi, souriants et dédaigneux, pour me dire que ceux-ci leur offraient de faire rétracter, par leur client, les paroles qui m’avaient justement froissé, dans le cas où je consentirais, de mon côté, à retirer le soufflet intervertissant les rôles, qui faisait, de l’offenseur, l’offensé. — « Je puis d’autant plus aisément retirer ce soufflet, » répondis-je, « qu’en réalité, je n’ai pas eu la peine de le donner. Si cela lui suffit, c’est son affaire et non la mienne. Quant à ses paroles inconvenantes, après cette reculade, je suis honteux, pour lui, des excuses qu’il offre : abrégez cela. »

Un de mes témoins, très irritable de caractère et très paresseux, d’ailleurs, me dit : — « N’empêche que ce polisson nous aura fait déplacer, vous et nous, et perdre notre temps, pour rien. J’ai bien envie d’aller lui flan-