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cria d’en bas : « Face au parterre ! » Je regardai quelques instants les braillards, et je repris ma position primitive, sans m’inquiéter de leurs vociférations. Bientôt, un étudiant fit irruption dans la loge, et, le silence s’étant produit, il s’écria, gesticulant avec fureur : — « Monsieur, vous êtes donc sourd ? » — « Du tout ; j’entends, au contraire, admirablement. » — « Eh bien ! faites face au parterre ! » — « Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un polisson comme vous ! » — « Monsieur, avez-vous l’intention de m’insulter ? » Je lui tournai le dos, pour adresser ma réponse à la salle : « Je lui dis qu’il est un polisson, et il me demande si j’ai l’intention de l’insulter !… » Un éclat de rire général suivit. Le jeune cadet, décontenancé, se retira ; mais, il m’envoya ses témoins, et reçut, le lendemain matin, derrière un des massifs du beau jardin public de Blossac, un coup d’épée anodin, à la mesure de ses torts.

Une autre fois, à notre table de fonctionnaires, un jeune étudiant, que les neveux du Conseiller Bussière nous demandèrent la permission d’inviter à déjeuner, eut l’inconvenance d’émettre ses opinions, par trop libres, sur le Gouvernement du Roi. Je lui rappelai dans quel milieu, grâce à ses camarades, il se trouvait admis. Alors, cet exalté s’en prit à moi, et m’adressa je ne sais plus quelle grossièreté. Je me levai, posai ma serviette, et faisant le tour de la table, lui dis : — « Je vais vous donner la gifle que vous méritez, méchant gamin ! » Sursautant, il s’écria : — Je l’accepte. » — À votre aise ! » — « J’entends que je la tiens pour reçue. » — Soit ! »

Dans l’après-midi même, nous étions au fond de Blossac, deux de mes amis et moi, avec un chirur-