Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Malheureusement pour le Pays et pour moi, bien peu de temps après, cet illustre Ministre, qu’on n’a jamais remplacé, mourut du choléra, qui décima Paris au printemps de 1832.

De Poitiers, nous suivions avec anxiété la marche du fléau. Notre contrée fut épargnée. Mais la mort de Casimir Périer y produisit une grande sensation.

Elle fut accueillie comme une délivrance, par ce qu’on appelait alors l’opinion avancée. Nos étudiants en Droit, toujours bruyants et même insolents, à l’occasion, le devinrent bien davantage.

J’avais eu plusieurs fois maille à partir avec cette jeunesse exaltée.

Au spectacle, lorsqu’on jouait la Muette de Portici, encore dans sa nouveauté, mais qu’on nous fit entendre abusivement trente-deux fois de suite, lorsqu’on arrivait au fameux duo : Amour sacré de la Patrie, le parterre montrait le poing à la loge du Préfet, en chantant : Malheur à nos tyrans !

Et puis, on demandait sans cesse la Marseillaise, et l’on criait : Debout ! pour la troisième strophe. Une fois, deux fois, trois fois, cela pouvait passer ; mais, tous les soirs de représentation, c’était insupportable. Mes amis et moi, qui possédions une loge en commun, nous résistâmes à la fin. Après de violentes prises avec les étudiants, ceux-ci reconnurent bientôt que nous étions également bons, soit à l’épée, soit au pistolet, et nous laissèrent tranquilles.

Mais, un soir que je faisais visite à la femme d’un personnage, dans sa loge, pendant un entr’acte, et que, par inadvertance, je tournais le dos à la salle, on me