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hébergeant déjà l’un de Messieurs de la Cour Royale. C’était dans une petite rue, voisine de la place du Marché, près du Palais de Justice et de la vieille église Notre-Dame, si curieuse et si renommée au double point de vue archéologique et architectural.

LE PRÉFET, SA FAMILLE ET MES AUTRES RELATIONS.

Le Préfet, auquel on m’avait recommandé tout particulièrement et de très haut, donna, dès mon arrivée, un dîner, en mon honneur, et m’ouvrit cordialement sa maison.

Il était marié, en secondes noces, avec une femme de trente ou trente-deux ans, originaire des Côtes-du-Nord ; beauté plantureuse, blonde, au teint frais ; aux yeux tranquilles, bleu-faïence, un peu saillants ; aux lèvres rouges, non moins saillantes ; bonne et aimable personne, sans prétentions ; ne cherchant pas midi à quatorze heures ; toute à son mari et à ses enfants : deux fillettes de sept à neuf ans, et un petit garçon plus jeune encore. — Un fils du premier mariage, qui faisait son Droit, à Paris, venait de temps à autre.

La famille se complétait d’une cousine, brune et maigre, de Madame la Préfète. Elle devait rester quelques mois à Poitiers, et ne parlait plus de retourner à Saint-Brieuc. Cette personne avait, depuis quelque temps déjà, coiffé résolument Sainte-Catherine, se sachant dépourvue de charmes, aussi bien que de fortune. Elle remplissait, avec beaucoup de tact, en qualité de parente et d’amie, un rôle qui, dans d’autres conditions, eût tenu, tout à la fois, de la dame de compagnie, de la gouvernante d’enfants et de la femme de charge. Du reste, elle faisait preuve d’un esprit bien plus éveillé,