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SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA VIENNE.

À Poitiers, où je succédai, comme Secrétaire Général, au comte de Traversay, vieux légitimiste, que la Révolution de 1830 épargna momentanément, et qui venait de prendre sa retraite, je me trouvai sous les ordres de M. BouIlé (du Morbihan), fils d’un ancien Représentant du Peuple, devenu Préfet de l’Empereur Napoléon Ier, et lui-même, ancien Sous-Préfet de l’Empire. Il remplaçait le Préfet de la Restauration, M. le comte de Castéja.

C’était un homme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux fort clairsemés, fort grisonnants, qui ne perdait pas un pouce de sa taille, un peu au-dessous de la moyenne, ni surtout une occasion de faire un discours, ce dont il s’acquittait généralement bien ; grand travailleur, du reste, et tout à son affaire.

Évidemment, je devais me trouver à bonne école, auprès d’un tel chef, et mon zèle à le seconder pouvait, en retour, lui faire trouver un collaborateur utile dans le jeune auxiliaire que le Gouvernement lui envoyait. Malheureusement, sous mon prédécesseur, et par sa faute, on tenait le Secrétariat Général, où je venais le relever, pour la cinquième roue du carrosse préfectoral. M. Boullé s’était fait accompagner, à Poitiers, par un secrétaire particulier d’un âge mûr, très capable et très laborieux, et concentrait, grâce à lui, dans son cabinet, la direction du travail des bureaux, que le comte de Traversay n’avait jamais eue et ne se trouvait, sous aucun rapport, en état de prendre. Je me voyais donc réduit à m’occuper des affaires pour la forme en quelque