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qu’il avait peu la faveur du Maître, et encore moins la sympathie du vieux Cherubini, qui dirigeait le Conservatoire ? Pensez donc ! Il composait des ouvertures pour orchestre (celle dite des Francs Juges, entre autres), qu’il faisait exécuter par ses nombreux amis, avant de savoir à fond exposer, contre-exposer, et traiter « le sujet et les contre-sujets » d’une fugue !

Berlioz appartenait à l’école romantique, et sa musique pompeuse, assez incorrecte, bruyante plutôt que sonore, semblait s’inspirer de certaine poésie, fort admirée, en ce même temps. — On comprend bien que je parle ainsi de sa musique d’élève, tardivement couronnée par le prix de Rome, et non de ses œuvres magistrales, en pleine vogue de nos jours, où je retrouve, cependant, à côté de grandes beautés, ses imperfections classiques.

Il me souvient qu’un jour d’examen, Cherubini, voyant dans la partition de Berlioz, qu’il parcourait une pause générale de deux mesures, lui dit, avec cet air grincheux qu’il ne quittait guère : — « Qu’est-ce que cela ? » — « Monsieur le Directeur, j’ai voulu, par ce silence, produire un effet. » — « Ah ! vous croyez que cette suppression de deux mesures produirait un bon effet sur les auditeurs ? » — « Mais, oui, Monsieur. » — « Eh ! bien, supprimez le reste : l’effet sera meilleur encore ! » lui dit le malicieux bonhomme, en lui rendant son cahier.

Les jours de classe, je quittais l’École de Droit après l’appel du matin, et j’y revenais, au besoin, pour le cours du soir. Je conviens qu’il m’arrivait parfois, lorsque je n’avais pas à craindre l’appel de mon nom, de