Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait des tranches de pâté, des tartelettes et du soi-disant madère.

On voyait, dans le voisinage, un coiffeur ayant, pour enseigne, des vers latins vantant sa dextérité, dus sans doute à quelque « pion » de sa clientèle. Je ne me les rappelle pas exactement. À quelques pas plus loin, un concurrent y répondait, avec dédain, par celle-ci, composée de quatre mots seulement, mais de quatre mots grecs : Κείρω τάκιστα και σιωπῶ. « J’opère très promptement et je me tais. »

J’employais le temps que j’avais de reste, à suivre alternativement ceux des cours de la Sorbonne et du Collège de France qui m’intéressaient le plus. J’en pus fréquenter ainsi beaucoup, à tour de rôle, en plusieurs années. Je fus donc I’auditeur intermittent de MM. Villemain (Littérature) ; Cousin (Philosophie) ; Gay-Lussac et Pouyet (Physique) ; Thénard et  Dulong (Chimie) ; Beudant (Minéralogie) ; Cauchy (Calcul différentiel et intégral) ; comme aussi, de M. Élie de Beaumont, qui professait la Géologie à l’École des Mines : sans parler de l’amphithéâtre de l’École de Médecine, où j’allais quelquefois.

Malgré tout, j’étais loin de négliger la Musique, à laquelle je m’adonnai de si bonne heure que je ne sais plus quand j’appris à la déchiffrer. Mais, je dois rectifier les biographes qui me représentent comme un artiste, infidèle à sa vocation première, pour entrer dans l’Administration, en expliquant le point de départ de cette étrange méprise.

Je faisais partie, au collège Henri IV, d’un orchestre d’élèves, où je jouais habituellement du violoncelle et