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tence ; elles devaient, toutes, pour se trouver en règle, accomplir les conditions imposées, par la loi nouvelle, aux associations non politiques.

Lorsqu’il m’en informa, le Ministre de l’Intérieur me prescrivit de mettre les chambrées de mon département en demeure de faire les déclarations et justifications voulues. Mais, je m’en donnai bien de garde. Je répondis que, parfaitement renseigné sur la dénomination de chacune d’elles ; sur le lieu de ses réunions ; sur le nombre de ses membres, dont je possédais même la liste, je ne voyais aucun intérêt à prescrire les déclarations exigées par la loi, et que j’avais, au contraire, toute raison de ne pas m’ôter, en faisant ainsi régulariser leur situation, le droit incontestable de fermer celles qui, d’inoffensives, deviendraient mauvaises. D’ailleurs, le défaut de déclaration étant justiciable de la Police Correctionnelle, il convenait de garder ce grief en réserve, pour le cas où le délit politique, toujours difficile à constater, qui motiverait, au fond, mon arrêté de fermeture, ne serait pas susceptible de poursuites.

Le Ministre m’approuva finalement de laisser les choses en l’état. Mes collègues des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse, qui firent autrement, le regrettèrent bientôt.

Je me bornai donc à faire prévenir chaque chambrée qu’elle devait s’interdire toute lecture de journaux à haute voix, toute discussion politique, comme aussi l’admission de tout étranger dans son sein, à peine de fermeture immédiate. Cette mesure, appuyée de quelques actes de sévérité frappant de très grosses chambrées, eut au moins pour effet d’arrêter l’aggravation du mal déjà fait.