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en Conseil d’État. Pendant un an, les Maires et Adjoints révoqués n’étaient pas rééligibles. Mais, de deux choses l’une : ou le Conseil en nommait d’aussi mauvais ; ou le premier Conseiller prenait l’administration, en attendant l’expiration de l’année : la situation n’en devenait pas beaucoup meilleure.

D’après un de mes rapports au Gouvernement, il eût fallu, dans l’intérêt de l’ordre et de la bonne administration, remplacer les Maires et Adjoints élus de 64 communes sur 196, et ces 64 communes ne figuraient pas dans les moindres. J’ai cité Brignoles (un chef-lieu d’arrondissement !) et Cannes. Un grand nombre de chefs-lieux de cantons, villes de 3, 4 et 5,000 âmes, se trouvaient dans le même cas.

Cannes, transformé, depuis lors, en station hivernale des plus à la mode, compte maintenant 15,000 âmes. On voit qu’elle n’arrivait pas à 6,000, en 1849. C’était une sale petite ville, au-dessus de laquelle existaient trois villas : celles de lord Brougham, de M. Woolefield, et de M. Leader Temple. Pas une de plus. On ne pouvait en établir sur la plage, parce que les vastes relais de mer qui s’étendaient de la Napoule à la Croisette, appartenaient à l’État, même devant la ville. J’entamai des négociations avec l’autorité maritime, d’une part ; avec le Domaine, de l’autre, afin d’arriver à la mise en vente, par lots, de ces espaces arides, à l’aspect désolé. J’y réussis, non sans peine. Ce fut le point de départ de la transfiguration complète et de la prospérité présente de l’infecte bourgade sur l’emplacement de laquelle je projetais, en 1849 et 1850, la création d’un nouveau Nice, français, quand le Var était encore la limite de la France, et Nice, une ville italienne.