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ainsi que je le reconnus bientôt, m’arriva de Paris, accompagné de ses père et mère, commerçants retirés après fortune faite, qui venaient veiller à son installation. Le père, sous l’apparence d’un parfait prud’homme, avait un grand sens ; il fit comprendre à sa femme, inquiète d’abandonner son cher enfant au milieu d’un pays agité, qu’il fallait, dans son intérêt même, abréger leur séjour à Brignoles. Seul, le jeune Sous-Préfet s’y conduisit avec tact et mesure, mais avec non moins de vigilance et de fermeté, de manière à rendre les démagogues plus circonspects, et les hommes d’ordre plus confiants dans la protection de l’Autorité. Je ne manquai pas d’en rendre témoignage au Gouvernement.

À Grasse, la Sous-Préfecture était occupée par un homme du pays, M. Carbonnel, qui, de simple percepteur, nommé, d’abord, au poste de Sous-Commissaire du Gouvernement Provisoire, grâce à ses relations de camaraderie avec le Commissaire Guigues, devait à sa bonne attitude à Toulon, pendant une mission temporaire qu’il y remplit, sa nomination ultérieure de Sous-Préfet du général Cavaignac. Compromis vis-à-vis du Gouvernement du Prince, comme son collègue M. Destigny, par sa conduite pendant l’élection présidentielle, il restait également suspect aux conservateurs, par suite ses relations intimes avec un candidat, connu d’avance, de la liste Ledru-Rollin : M. Conte, Maire de Cannes, membre du Conseil Général, et de son hostilité contre M. le docteur Maure, ancien Député de Grasse, Conseiller Général, candidat probable de la liste opposée. Néanmoins, il convenait de ménager sa famille, dont le chef siégeait, comme Juge, dans le Tribunal de Première Instance