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Le séjour de la campagne, prolongé, m’avait tellement fortifié ; les courses dans les bois et les exercices du corps m’avaient si vite développé, qu’on me donnait volontiers bien plus que mon âge. J’étais devenu, d’ailleurs, un garçon hardi, résolu, malgré ma vie tranquille et disciplinée.

Lorsque j’allais, de Chaville, passer quelque temps à l’Hermitage, et que je m’y trouvais dans un milieu tout militaire, il me tardait de pouvoir, à mon tour, servir mon pays. Le voisinage de Trianon ; les revues de troupes ; les foules énormes, venant de Paris, les dimanches de grandes eaux à Versailles, pour acclamer l’Empereur et l’Impératrice, qui se montraient dans le parc, en voiture découverte, à six chevaux, entourés de piqueurs, de pages et d’officiers, tout cela m’exaltait au plus haut point. J’attendais avec impatience le jour où je me verrais également à cheval, dans le cortège impérial, parmi ces pages à peine adultes, en uniforme, l’épée au côté, un chapeau d’officier sur la tête, et un flot de rubans sur l’épaule gauche, en attendant l’épaulette de Lieutenant de Cavalerie, assurée à chacun d’eux. En effet, mon parrain, le Prince Eugène, avait promis, depuis l’époque de ma naissance, à mon grand-père maternel, de m’y faire admettre, le moment venu !

Mais, je tenais bien mieux que cette promesse.

Quand j’étais bambin, mon grand-père, le Général, me conduisit pour voir le Prince, à Trianon. Avant son audience, nous nous promenions dans une allée du parc. L’Empereur y déboucha subitement. Il donnait le bras à son aide de camp, la tête inclinée, l’air soucieux. Nous nous rangeâmes vite contre la charmille, et, pre-