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çait le tableau des conquêtes à faire, en France même, terminé par cet appel entraînant aux forces civiles du Pays : — « Et vous qui m’écoutez, vous serez mes soldats ! »

Comment les opinions avancées de la plupart de mes compagnons d’études m’auraient-elles séduit, lorsque je pouvais recueillir, de la bouche de cet ancien Conventionnel, des phrases telles que celle-ci : — « Je crus sincèrement à la République, ainsi que tant d’hommes à l’âme généreuse, à l’esprit libéral. Je l’avoue : un peuple éclairé, tel que le nôtre, me semblait capable de se gouverner lui-même sagement, comme le faisaient les États-Unis, à peine constitués, et, après avoir reformé les abus du passé, de donner au Monde l’exemple d’une administration intègre, habile, féconde. Mais, je dus reconnaître que cette forme philosophique de gouvernement ne convenait pas au génie de la France ; au caractère de sa population, si mobile ; aux mœurs de notre vieille société. »

— « Mon neveu, » disait-il, en interrompant un de mes cousins, qui vantait le patriotisme farouche des Danton. Saint-Just, Robespierre et autres héros de 93, si vous aviez, comme moi, vu de près les hommes dont vous parlez ; si vous aviez été mêlé, comme moi, aux événements de cette terrible époque, j’aime à croire que vous penseriez autrement. Vous vous dites républicain ! Mais, commencez donc par changer, du tout au tout, votre vie d’oisif et d’homme de plaisir ! »

Si, dans ma jeunesse, on ne songea plus qu’à me préparer pour une carrière civile, enfant, sous l’Empire, je me savais déjà voué par avance à celle des armes, et je m’en sentais charmé.