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« des hommes tels que vous. » — Puis, il m’approuva beaucoup de prêter mon concours au Pouvoir dans les temps difficiles que nous traversions, et me remercia cordialement de ma démarche courtoise vis-à-vis de lui.

J’eus bientôt une invitation du Ministre de l’Intérieur, pour un grand dîner officiel que le Prince-Président devait honorer de sa présence.

Après le café, le Prince me prit à part et me dit : — « Je vous ai nommé Préfet du département du Var. » — Je fis un léger mouvement. « Éprouveriez-vous quelque répugnance pour ce poste ? » me demanda-t-il — « Aucune, Monseigneur, » répondis-je ; « mais Votre Altesse Impériale ne pouvait guère m’envoyer plus loin de Bordeaux, fût-ce à Lille ou à Strasbourg. »

Il reprit : — « Le Var est un de nos plus mauvais départements. Les démagogues s’y trouvent en force. Ils tiennent en échec le pouvoir à Toulon, notre grand port de guerre, comme à Draguignan, où j’ai besoin d’un Préfet absolument sûr. La police de notre frontière d’Italie exige, en ce moment, beaucoup de vigilance et de sagacité. Les troupes autrichiennes menacent les États du Roi Charles-Albert. Ceux du Pape sont au pouvoir de la Révolution. D’après ce que je sais de votre passé, je vous crois mieux qualifié que personne pour aviser, avec décision et mesure, à tout ce que, là, des complications imprévues peuvent imposer à votre « initiative. » — « Je n’épargnerai aucun effort, » répliquai-je, « pour mériter cette confiance de Votre Altesse Impériale. » — « J’y compte ! »

Dès le jour suivant, me parvint l’avis officiel de ma nomination, datée du 24 janvier 1849, et l’invita-