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notabilités de la ville, enrôlées dans ses rangs, y fraternisaient avec les citoyens les plus humbles, flattés de s’y trouver coude à coude avec elles, et ses deux légions étaient organisées, d’ailleurs, à tous égards, sur un pied des plus respectables.

M. Clément Thomas, du National, Girondin en tant que Libournais, fut nommé Commissaire Extraordinaire, et chargé, par mandat spécial, de procéder à une instruction sur les faits du 20 mars. Il fit route avec M. Latrade, de Paris à Angoulême, le 25, et le dirigea sur Périgueux, afin d’y attendre, pour se rendre à Bordeaux, un avis que, son enquête achevée, il ne crut pas à propos de lui donner. En effet, son opinion était de tout mettre en oubli, d’abord, et puis, en maintenant M. Chevallier, de lui conférer le titre de Commissaire Général, pour bien affermir son autorité. Mais, M. Latrade vint protester contre cette conclusion, qui le dépossédait, et M. Thomas, après l’avoir reconduit à Libourne, en lui faisant promettre de ne plus se montrer à Bordeaux jusqu’à décision supérieure, reprit le chemin de la capitale, le 28, pour y rendre compte au Gouvernement de sa mission, et aussi, pour s’occuper de sa candidature au commandement de la deuxième légion de la Garde Nationale de Paris.

Le Gouvernement trancha le conflit Chevallier-Latrade, en déboutant les deux antagonistes, et renvoya M. Thomas à Bordeaux, poury prendre provisoirement, lui-même, l’administration de la Gironde. M. Thomas arriva le 6 avril, et, le soir, M. Chevallier quitta la ville. Cela ressemblait à la conclusion de la fable : L’Huître et les Plaideurs. Le pouvoir contesté revenait à l’arbitre du différend.