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on refusa de l’entendre. Sa voix fut couverte de huées et de sifflets, et l’effervescence causée par sa vue devint telle, q’une masse, composée notamment d’ouvriers du port, se rua sur l’entrée de la Préfecture, envahit l’hôtel, sans que le poste de Garde Nationale de service fît même un simulacre de résistance, et parcourut tout l’édifice, à la recherche de l’infortuné Commissaire Général, à qui ces furieux voulaient certainement faire un mauvais parti.

Fort heureusement, il avait compris de suite le sérieux danger de cette invasion, et se laissa guider, dans sa fuite, par M. Dosquet, Secrétaire Général. Celui-ci, de longue date, connaissait les êtres. Néanmoins, il eut à peine le temps de lui faire gagner, par les combles de l’hôtel, et par une galerie-gouttière, bordée de balustres, le corps de logis séparé, donnant sur la rue Esprit-des-Lois, où se trouvait son propre logement. Il l’y recueillit, jusqu’à ce qu’un fiacre pût le conduire au passage de Lormont, où le fugitif traversa la Garonne. De Lormont, il alla prendre, aux Quatre-Chemins, en haut de la côte du Cypressat, la route conduisant à Périgueux, par Libourne.

Voici les termes, plus qu’adoucis, dans lesquels Le Mémorial bordelais, ancien organe officieux de la Préfecture, mentionna ce départ, dans son numéro du 22 :

« Nous avons rendu compte de la manifestation dont M. Chevallier Commissaire du Gouvernement, a été l’objet. Nous ignorons au juste quelle était la nature des pouvoirs dont M. Latrade, désigné, d’abord, comme successeur de M. Chevallier, était investi. Tout ce que nous croyons pouvoir dire, c’est que le Commissaire Général, dès le soir même de cette manifestation, a quitté