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le nommait Commissaire Général pour les départements de la Gironde et de la Dordogne.

C’était le 20 mars. Le bruit se répandit, en ville, que ce personnage venait, sinon remplacer M. Chevallier, tout au moins, prendre la haute direction de toutes choses dans le département. Vers cinq heures, à la sortie de la Bourse, une députation du Commerce, suivie par un groupe nombreux de négociants, se rendit à la Préfecture, afin d’assurer M. Chevallier de toutes les sympathies de la population ; de lui faire connaître les inquiétudes excitées par l’arrivée d’un Commissaire Général, muni, disait-on, de pouvoirs supérieurs aux siens, et de lui déclarer nettement l’intention de résister à l’intervention de ce personnage ; car, sa mission tendait évidemment à changer l’état de choses auquel on devait la tranquillité publique, le rétablissement graduel de la confiance, et une certaine reprise des affaires.

Profondément touché de cette démarche, si flatteuse pour lui, M. Chevallier, après en avoir témoigné toute sa reconnaissance, y répondit en termes fort mesurés. Il lui fallait nécessairement obéir aux ordres du Gouvernement dont il tenait son mandat ; mais il se réservait de lui faire connattre leur démarche.

La députation se retira ; mais l’émotion publique ne faisait que s’accroître, et les abords de la Préfecture ne tardèrent pas à se trouver encombrés par une foule compacte, de plus en plus menaçante. M. Chevallier parut au balcon et fit entendre quelques paroles d’apaisement, accueillies par des applaudissements chaleureux, et par les cris de : « Vive Chevallier ! À bas Latrade ! À bas le Proconsul ! Nous n’en voulons pas ! Qu’il parte ! » M. Latrade voulut parler à son tour ; mais