Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plus absolue d’une des premières libertés : celle du travail individuel. — « En effet, » disais-je, « on promet à chacun, sans doute, une part du bien-être commun — proportionnée à son mérite, — à la condition, pourtant, de remplir, non pas la fonction de son choix, mais, celle pour laquelle on le jugera le plus apte, et de donner, non pas la somme de travail qu’il trouvera lui-même appropriée â ses forces, mais celle que ses supérieurs hiérarehiques l’estimeront capable de faire. » — « Comment ! » s’écria vivement, en patois, un forgeron d’Audenge, qui m’écoutait, « je pourrais être obligé de changer de métier ? — « Oui, si l’on vous croyait plus propre a une autre. » — « Et je ne serais plus libre de chômer quand cela me conviendrait ? » — « Non, certes, puisque vous devriez votre travail à la communauté. » — « Bouli pas ! (Je n’en veux pas !) » déclara-t-il, aux applaudissements de toute l’assemblée.

Nos populations rurales étaient, du reste, bien peu préparées au régime républicain, dont il s’agissait d’asseoir les bases d une manière stable, sur une constitution nouvelle. À l’occasion de l’élection des membres de l’Assemblée Nationale Constituante, fixée, d’abord, au 9 avril, par un décret du Gouvernement Provisoire, rendu le 5 mars, nombre de paysans, qui se rendaient mal compte du mandat à leur confier, me demandaient si l’on n’allait pas bientôt « nommer un Roi, à la place de celui qu’on avait renvoyé ! » Car, enfin, le Duc Rollin. qui gouvernait, ce n’était pas un Roi ! — D’autres, vieux soldats ou fils de vétérans de Napoléon, parlaient déjà d’Empire, et trouvaient des sympathies dans les campagnes. Mais, ce qui provoqua des questions sans