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Peut-être, ébranlé-je alors, dans son esprit, le parti pris du statu quo. Peut-être, rencontra-t-il chez le vieux Roi, mais plus encore chez M. Guizot, cette intelligence élevée, si singulièrement vouée à l’immobilité politique, — une résistance à toute concession, même plus apparente que réelle, au parti libéral. Toujours est-il que la « réforme électorale », mot de ralliement des opposants de toutes nuances, à laquelle, en fin de compte, le Ministère du 29 octobre, dont le véritable tort était de durer trop, ne sut opposer qu’un refus obstiné de toute transaction, fut sa pierre d’achoppement.

Ah ! si le Duc d’Orléans eût vécu !… Mais, il était dans la tombe depuis plus de cinq ans, et avec lui, toute influence libérale, non suspecte, auprès du Roi Louis-Philippe.

Après la campagne, plus bruyante que dangereuse des banquets, menée par les Députés de la Gauche, le Maréchal Bugeaud, investi du commandement supérieur des forces militaires à Paris, se trouvait en mesure d’y réprimer les tentatives de soulèvement provoquées par les sociétés secrètes dans les quartiers populeux, quand des manifestations hostiles, parties, dans la cour même des Tuileries, des rangs de cette Garde Nationale bourgeoise que le Roi-Citoyen comblait de tant de témoignages de sa confiance, de tant de marques de sa faveur, jetèrent le découragement dans son âme et déterminèrent son abdication.

Je n’ai pas à refaire l’histoire des faits lamentables qui s’ensuivirent, ni de ce départ de Paris, si précipité, si tristement humble, du Roi et de la Reine, ni de leur douloureux voyage sur la terre d’exil !

On a tout dit à cet égard.