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Le peuple de Blaye partageait l’impression de la Comtesse-Mère. Quand nous passions ensemble sur le port, bras dessus, bras dessous, serrés l’un contre l’autre, ou tenant, entre nous deux, notre petite fille, blonde, blanche et rose, aux yeux bleus — comme sa mère, — pour aller de la Sous-Préfecture à l’embarcadère ou bien en revenir, à travers les éventaires des marchandes en plein vent, combien de fois avons-nous entendu cette sympathique exclamation : « Quel gentil ménage ! » À la vérité, nous paraissions beaucoup plus jeunes que nous ne l’étions alors.

Le vieux Comte ne sortait guère de ses appartements. J’eus cependant, avec ce Conseiller d’État de l’Empire, des conversations intéressantes. Il mourut plein de jours, et nous lui fîmes des obsèques magnifiques.

Lorsque le comte Tanneguy, mon Ministre, acheta le cru de Château-Lagrange, commune de Saint-Julien, Médoc, — rien de commun avec le Château de La Grange, en Blayais, — après avoir été son utile négociateur dans cette excellente affaire, je fus chargé, par la comtesse Églé, de surveiller la restauration de ce prétendu château, qui n’offrait rien de seigneurial, et de faire transformer : en parc, de superbes futaies, sises des deux côtés ; en pelouses et pièces d’eau, les terrains vacants, traversés d un rivulet, alimenté par une source abondante, qui les séparait.

Cela me conduisit très fréquemment dans l’arrondissement de Lesparre, où je passais en nombre d’occasions déjà, pour aller, avec ou sans ma femme, selon qu’elle était ou n’était pas à Blaye en temps de vendange : à