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inondés par un « abat-d’eau », expression méridionale signifiant plus qu’averse, accompagné d’éclairs aveuglants et de coups de tonnerre semblant ébranler même les montagnes, et durant depuis une demi-heure. Cette fois, toutes les selles étaient mouillées ! Quand il ne tomba plus qu’une pluie normale, nous continuâmes notre route, trempés jusqu’aux os, pour gagner le bon gîte nous attendant à Castillon.

Il n’y paraissait plus, le lundi, quand nous retournâmes à Saint-Girons, en voiture.

La première partie de l’excursion de Bethmale s’accomplit très bien. Arrivés au village d’Ayet, centre de la commune, nous rencontrâmes le Curé, prêtre d’une trentaine d’années, gros réjoui, que son Évêque avait envoyé, disait-on, sur ces hauteurs, pour y faire pénitence, et qui, surtout, y faisait bonne chère. Il se hâta de prendre et de seller le cheval d’une de ses ouailles, pour nous escorter, et nous l’invitâmes à partager le dîner agreste, ou plutôt sylvestre, que nous fîmes sur les bords du lac, au milieu d’une forêt de beaux hêtres, assez clairsemés.

Avant d’arriver à ce plateau, nous dûmes passer par un pont jeté sur le ruisseau qui sort du lac, en travers duquel deux belles filles (blondes !) tenaient un large ruban rouge. Nous voyant monter de loin, elles avaient revêtu le costume que portent, le dimanche, les femmes de cette vallée : casaque rouge ponceau, jupe bleue, bas blancs, bonnet phrygien rouge et capeline de laine blanche. Nous payâmes le droit de passage. On pouvait embrasser les receveuses, par-dessus le marché, nous dit le Curé, qui, pendant le dîner, fut très amusant. Pour