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née passée, c’est-à-dire : remonter toute la Bellelongue jusqu’à Saint-Lary ; franchir le col de Nedey ; puis, descendre dans la vallée de Biros, par Antras, jusqu’à Seintein, où nous prendrions gîte. La traversée de ce col fut particulièrement difficile pour les deux Dames. Sauf Mme Mazères, fille du peintre Gérard et femme d’un Préfet de l’Ariège, aucune n’avait, jusque-là, tenté ce passage.

Il ne pouvait être question, pour elles, de pousser jusqu’au lac d’Areins, ni surtout de faire l’ascension du Crabère. Dominique ne le déclarait-il pas d’avance ? — « Mesdames, » avait-il dit, « vous voyez ce mur ? Eh bien ! c’est un kilomètre comme cela qu’il faut grimper. Quand une femme y montera, je perdrai mon nom ! »

Mais, le lendemain était justement le dimanche auquel tombait la fête votive de Seintein. Les danses du pays et surtout le costume des danseuses, noir brodé de rouge vif, avec des jupons et des bas rouges, et des mantilles noires, intéressèrent beaucoup nos Dames.

Après l’abondant festin du Maire, où les truites du Lez, les perdrix blanches en salmis, les rôtis de « cordaire », — brebis qui n’a point porté, — de jeune isard, de lièvre, et les brochettes d’ortolans défilèrent devant nous, avec bien d’autres mets et une foule d’entremets, suivis de plats de dessert innombrables, et arrosés de tous les vins et liqueurs possibles, nous nous remîmes en route, malgré les supplications de nos hôtes, qui voulaient nous garder et nous objectaient, avec raison, l’approche d’un gros orage.

Nous espérions qu’il n’éclaterait pas avant notre arrivée à Castillon. Mais il nous prit à moitié route, et nous dûmes nous abriter à Bordes, déjà complètement