Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’un tempérament peu sanguin, ne gardait ni haines inutiles, ni très ardentes amitiés. — C’est un double bagage fatigant. — Il ne s’émouvait guère de rien, quand son intérêt politique ou privé ne se trouvait pas en jeu. Mais, cet épicurien n’aimait pas seulement le bien-être : il avait le goût des arts, des lettres, de la causerie intime. Son intelligence, très éclairée, était moins paresseuse que son corps, volontiers inactif.

Il me voyait pour la première fois, et je lui convins sans doute ; car il se mit en confiance avec moi tout de suite. Après une série d’interrogations fort attentives sur ce que j’avais fait à Saint-Girons et sur ce que je pensais de l’insurrection carliste en Catalogne, il m’entretint assez longuement de la situation politique de l’Ariège, représenté par trois Députés de l’Opposition. — « Il faut que cela change, » ajouta-t-il.

Je fus très étonné de recevoir, dès le lendemain, un mot de lui, m’invitant à dîner pour le soir même. À part M. Leclerc, son Chef de Cabinet, j’étais le seul convive étranger à sa famille, réunie en assez grand nombre.

Mme la comtesse Eglé Duchâtel, — que je désigne ainsi, pour la distinguer de sa belle-mère, ancienne Dame du Palais de l’Impératrice Joséphine, qui vivait encore et résidait ordinairement au château de Mirambeau (Charente-Inférieure) auprès du vieux Comte, ancien Conseiller d’État et Directeur Général des Domaines de Napoléon Ier, — possédait une très grosse fortune, du chef de son père décédé, M. Paulet, gros négociant en grains du département du Nord, sous l’Empire.

Sa mère, — fille du munitionnaire Vanlerberghe, — fort liée autrefois avec la mienne, avait, après un long