Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Girons, c’était un ours, et non plus le Capitaine, qui troublait son lourd sommeil, en le heurtant. Il finit même par en être convaincu. Le caractère gascon avait entièrement repris ses droits.

La nuit se termina sans nouvelle alerte, et, le matin, vers six heures, à la suite d’ablutions au ruisseau de neige fondue qui descendait de la serre du Canéja, nous franchîmes celle-ci, pour aller à la source du Lez ou plutôt du Lezard, comme on l’appelle au début, près du portillon d’Albe. Notre route, coupée de glaciers, offrait un passage plus que difficile à nos chevaux, même conduits à la main. Nous fîmes halte au point d’où le ruisseau tombe en cascade, pour devenir rivière, dans le fond de la vallée. Nous y descendîmes, à notre tour, après déjeuner, mais en dévidant, pendant plusieurs heures, l’interminable lacet d’un sentier raide et pierreux, où chacun de nous, à pied, dut se tenir à la tête de son cheval. Nous arrivâmes, dans l’après-midi seulement, au village d’Aylie, le plus élevé de la vallée, au milieu duquel nous nous étendîmes, en sybarites, sur une pelouse plantée d’arbres

La population mâle de ce village, partie depuis le commencement de la semaine, pour aller faire les « fauches » en Espagne, ne devait rentrer que le soir, — c’était un samedi, — afin de prendre part, le lendemain, à la fête votive de Seintein, et la population féminine, très effrayée d’abord, de notre invasion, reconnut bientôt, dans M. Subra, « Monsieur le Maire », et vint obligeamment nous offrir ses services.

Nous rentrâmes bien reposés à Seintein, pour dîner, et nous y assistâmes, le lendemain, à la fête, où nous