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abrupt, qui remonte le cours du ruisseau d’Areins. La matinée était fort avancée, quand nous parvînmes au pied de la cascade tombant du lac, dans un endroit charmant, où le ravin s’élargit, pour former, autour du bassin creusé par la chute, une enceinte de rochers dominée par de hauts massifs de sapins, et décorée de rhododendrons de montagne, et d’une foule de plantes pyrénéennes, en fleurs. C’était une journée de juillet étouffante. Nous avions eu presque toujours le soleil en face, dans le ravin. La proposition d’un déjeuner sur l’herbe, en cette fraîche oasis, reçut une approbation unanime. La réfection fut longue, et suivie d’un repos que nos chevaux et mulets éreintés réclamaient encore plus que nous.

Pour monter du bas de la cascade au lac, par des sentiers très difficiles, nous ne mîmes pas moins d’une heure de fatigue inouïe, pour les bêtes et les gens. Dans certains passages, les douaniers devaient pousser nos chevaux ; il en fallait un à la tête, et un autre en queue des mulets chargés.

Vers trois heures, nous débouchâmes devant le merveilleux hémicycle de montagnes, neigeuses toute l’année, encadrant le fond du lac. Ce vaste réservoir est alimenté par divers ruisseaux glacés et, principalement, par celui qui sort d’un petit bassin creusé sous le milieu de la muraille rocheuse dite : « la Bande de Cristal », que terminent les cônes des monts Crabère et Canéja.

Pendant qu’on s’occupait de notre installation au bord du lac ; que des hommes allaient faire des provisions de branches de sapin et de brassées de rhododendrons pour les feux de nuit ; qu’un douanier pêchait des