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et honnête maçon, il servit quelque temps à Paris, d’abord, dans la même maison que sa tante. Après mon mariage, quand je sentis plus souvent le besoin de chevaux attelés que de chevaux de selle, je remplaçai mes anciens coursiers, trop légers pour mener une calèche, par une paire de fortes juments à deux fins, et je pris Dominique chez moi.

C’était un gars de vingt-quatre ans à peine.

Il profita des loisirs que lui faisait mon absence, pour réaliser son propre mariage, projeté depuis longtemps, avec une jeune et belle fille de Nérac, issue, comme lui, d’une souche de braves gens, et lorsque, de Bordeaux, où je touchai barres à peine, je lui donnai l’ordre de se trouver tel jour à Toulouse, pour l’arrivée de la malle-poste où je serais, ma lettre lui parvint juste le lendemain de ses noces ! Il n’hésita pas une minute. Informé de ce contretemps, je crus devoir en marquer mon regret. Il me répondit : « Que voulez-vous, Monsieur ? Le service avant tout ! J’avais promis à cette fille de l’épouser ; j’ai tenu parole : c’est l’important. Elle m’attendra, mari, comme elle m’attendait, fiancé, tout le temps nécessaire. »

Afin que je pusse reprendre, dans l’Ariège, mes chevauchées par monts et par vaux de la Haute-Loire, auxquelles mes juments percheronnes se trouvaient absolument impropres, mon ami consentit à garder celles-ci pendant le peu de mois que durerait ma mission, au dire du Ministre. De son côté, Dominique dirigea sur la Sous-Préfecture de Saint-Girons, selles, brides, couvertures, licols et objets d’écurie, pour les chevaux de montagne que je comptais m’y procurer.