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Comme je me trouvais dans le cabinet de M. de Rémusat, la veille de mon départ, M. Thiers y entra. Je voulus me retirer : il me retint et me fit, entre autres questions, celle-ci : — « Quel est donc votre Député ? » — « M. Pagès. » — « L’avez-vous vu ? » — « Oui, Monsieur le Président ! » — « Quelle impression vous a-t-il faite ? » me dit malignement M. Thiers, qui le connaissait à fond, sans doute. — « Celle, » répondis-je, « qu’un montagnard des Pyrénées est un Gascon élevé à la seconde puissance. » — Les deux Ministres partirent d’un éclat de rire, et, après quelques recommandations touchant mon rôle, politique plus qu’administratif, « là-bas », ils me laissèrent aller.

DE PARIS À MON NOUVEAU POSTE.

Lorsque je revins à Bordeaux, nanti de la lettre ministérielle préparée dans le bureau du Personnel administratif, j’y trouvai ma femme, rentrée de son expédition de Nérac, après vente de toute la portion de notre mobilier qu’elle ne désirait pas conserver, et envoi du reste sur une dépendance de la maison de campagne que ses parents possédaient au Bouscat, dans la banlieue de Bordeaux, pour l’y entreposer.

Elle avait congédié provisoirement nos deux vieux serviteurs, Joseph et Marianne, retirés dans leur petite maison de Nérac. Nos chevaux et voitures, recueillis chez un ami complaisant, y restaient, avec le cocher Dominique et ses bêtes, en attendant mes instructions.

C’est le cas de dire un mot de ce Dominique, un gascon pur sang ! Neveu de ma cuisinière ; fils d’un brave