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Parodiant un mot de Pie VII à Napoléon Ier, je lui disais, dans un de ces moments-là : « Commediante ! » sauf à lui dire : « Tragediante ! » à la fin d’une de ses déclamations socialistes.

Au départ, elle me donna son briquet élégant, à moi, qui ne fumais pas !… « Est-ce une épigramme ? » lui demandai-je, en riant. — « Lorsque vous viendrez me voir, à Nohant », me répondit-elle, « je vous donnerai le reste : un narghilé ! La fumée fraîche, à l’eau de rose, voilà bien votre affaire. » — C’était complet. — « Vous dites peut-être encore plus vrai que vous ne le pensez, » répliquai-je, sans m’en émouvoir davantage.

Nous échangeâmes, pendant quelque temps, des lettres amicales. Mais, je n’allai pas à Nohant. Une fois, à Paris, je sus qu’elle était chez Mme Mariani, femme du Consul d’Espagne. Je m’y présentai : je ne fus pas reçu. Le lendemain, me parvint une lettre de regrets, se terminant par ces mots : « Je suis visible, comme les étoiles, de minuit à quatre heures du matin. » — Je répondis : « C’est votre droit de vivre à la façon des étoiles, vos sœurs. Quant à moi, je n’ai qu’une seule ressemblance avec le soleil : c’est de me coucher le soir, pour me lever le matin. »

Sur une invitation de Mme Mariani, j’acceptai cependant un dîner, où se trouvaient, entre autres célébrités malsonnantes, l’abbé de Lamennais, Pierre Leroux, Michel (de Bourges)… On appelait mon illustre amie « George » tout court ; on la tutoyait !

Après 1848, lorsqu’elle était toute-puissante au Ministère de l’Intérieur, auprès de Ledru-Rollin, elle s’informa de moi, chez mon beau-frère, et je la fis remer-