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Mémoires, ni jamais de ma vie, fait grief sciemment à personne ou cédé à des sentiments dont je doive rougir.

Je m’accuse d’un tort sérieux, mais au regard des miens et de moi-même : c’est d’avoir eu trop de foi dans la solidité des assises du régime impérial, et, par suite, un trop médiocre souci de nos intérêts d’avenir.

Je suis resté fidèle à mes amis, dans la mauvaise fortune plus encore que dans leur prospérité. J’ai tenu loyalement, jusqu’au bout, les serments prêtés aux souverains que je servis, de 1831, à 1848 ; de 1853, à 1870. Je garde un respectueux souvenir de la bienveillance du Roi Louis-Philippe ; de la cordiale protection du si regrettable Duc d’Orléans, son fils, mon ancien condisciple, et l’éternelle reconnaissance que je dois à l’Empereur, pour toutes ses bontés, pour sa confiance persévérante, pour son affectueuse estime. Mon entier dévouement aux grands intérêts publics dont je reçus charge, ne fait doute pour personne. J’attends donc, en paix, la fin de mon existence terrestre.

Que la mort me frappe debout, ainsi que tant d’hommes de la forte génération à laquelle j’appartiens, c’est ma seule ambition désormais. Je sortirai, dans tous les cas, de ce monde, sinon la tête haute, comme, jadis, de ma vie publique ; du moins, le cœur ferme, et, quant aux choses du Ciel, plein d’espérance de la miséricordieuse justice du Très-Haut !

Cestas, septembre 1889.