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neuf, d’être mis au courant de la chronique locale, par sa femme.

Mais, j’avais encore la ressource de prendre une tasse de thé dans une des familles de la colonie anglaise qui trouvait, à Nérac, pays protestant, un culte régulier, avec le climat du Midi, tout aussi doux, et la vie moins chère, qu’à Pau. Là, je faisais échange de leçons de langage usuel et de bonne prononciation, avec de jeunes « misses ». Elles me lisaient à haute voix du français, en prose ou en vers, et je leur rendais la pareille, dans quelque journal ou livre anglais, à leur grande joie ; car, si nous trouvons ridicule ou comique la manière dont nos voisins d’outre-mer prononcent notre langue, il paraît que notre façon de nous exprimer, dans la leur, est originale, sinon déplaisante. Toujours est-il qu’à la fin, je parlais assez couramment l’anglais usuel, et que je le comprenais, résultat plus difficile.

Les dimanches, j’invitais ordinairement à dîner un des pasteurs protestants, alsacien de naissance, fort instruit ; — connaissant à fond les œuvres des philosophes allemands, dont j’aimais à l’entendre définir et comparer les doctrines ; — facile à l’enthousiasme ; plein d’esprit, d’ailleurs, et d’un caractère très gai, malgré tout. Mais, cette ressource me fit défaut quand il se maria, comme les autres, pour donner plus de poids à son ministère, en se créant un intérieur.

J’employais mes fins de soirée, quand j’en avais pu remplir ainsi le commencement, à lire tout ce qui pouvait me tenir au courant du mouvement des idées à Paris et à l’étranger : revues littéraires, scientifiques et des beaux-arts ; recueils de jurisprudence ; bulletins des académies ; ouvrages nouveaux à sensation, etc.