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sait jamais bien le mot de l’une, quand on ignore les particularités de l’autre. C’est, d’ailleurs, un tissu de fils de nature très diverse, où ceux de soie et d’or se montrent, en général, aussi rares que fragiles ; mais, dont la chaîne et la trame, formées, de préférence, d’éléments plus tenaces, ont besoin d’être agrémentées.

La plupart de mes contemporains ont survécu moins longtemps au désastre du second Empire. Presque tous les hommes considérables avec lesquels je fus en rapports de service, — mes adversaires, en plus grand nombre, que mes alliés, — ont disparu. Entré dans l’Administration dès la fin de mes cours de Droit, je suis arrivé, relativement jeune, aux fonctions élevées dont m’investit successivement l’initiative de l’Empereur. J’avais dix ans de moins que beaucoup d’eux.

J’ai parlé des absents, et je continuerai de le faire, avec plus de réserve que s’ils se trouvaient là pour me rectifier ou me contredire. Du reste, la modération devient une vertu facile à l’âge où la vie n’est plus « qu’une force qui s’achève, une ardeur qui s’éteint. »

Peut-être, paraîtrai-je user d’une indulgence encore plus marquée pour moi-même ; peut-être, dans la longue série de monologues dont se compose tout livre, ai-je fait quelquefois, avec assez de résignation, la confession des autres, et moins volontiers la mienne, relevant surtout ce qui peut justifier mes actes, et plaidant les circonstances atténuantes des erreurs dont je ne saurais disconvenir. Mais après un sincère appel à ma conscience, je garde la profonde conviction de n’avoir, dans ces