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heure, de souper à huit, et de se mettre au lit de neuf à dix, ne s’y prêtait guère. D’ailleurs, les principales familles habitaient presque toujours la campagne, et ne venaient ordinairement en ville que le dimanche, pour assister aux offices. Ce jour-là, toutes les maisons s’ouvraient. Car, l’usage était de se visiter après vêpres, et les Dames de tout rang se montraient en grande tenue, chez elles ou dehors, en visites ou en promenade à la Garenne, quand il faisait beau.

Le reste de la semaine, si l’on s’avisait de se présenter dans une des autres maisons de la ville, une servante ahurie s’empressait de vous introduire dans le « salon de compagnie » ; en ouvrait les volets, pour y « faire lumière » ; allumait du feu, quand la saison le voulait, avant d’aller prévenir sa maîtresse, occupée à des soins de ménage, qui se hâtait d improviser un bout de toilette et venait, tout essoufflée, s’excuser de vous avoir fait attendre. La lessive mensuelle constituait la grande affaire de toutes ; puis, la direction des ouvrières en journée ; la confection des confitures, pendant l’été ; du confit d’oie, à l’automne ! On était visiblement importun.

Je tournai cette difficulté par un moyen bien simple. Quand je croyais opportun d’aller faire visite à quelque Dame, sur semaine, je lui faisais demander, le matin, l’heure de ses convenances.

J’allais quelquefois visiter familièrement, pendant leur souper : le Président du Tribunal, M. Lafitte, et le Procureur du Roi, M. Lesueur de Pérès ; tous deux originaires du pays ; vieux magistrats de bon conseil.

Chez un avoué, qui dînait exceptionnellement à cinq heures, j’étais toujours sûr, en m’y présentant vers