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pour la vie publique. Il aimait son intérieur, et il en avait toute raison ; car, il devait à sa femme, d’une famille protestante de Bordeaux, comme lui, très belle et très excellente personne, deux charmantes filles, toutes petites alors, mariées, sous l’Empire, à deux Sous-Préfets, qui devinrent Préfets, à leur tour : M. Garnier et M. le baron de Saint-Priest. Mais, il montrait peu de goût pour l’administration ; préférait son jardin, dont il s’occupait beaucoup, à son cabinet, où rien ne captivait son esprit, et donnait le plus de temps possible à la poésie, à la miniature et à son piano.

Sous l’Empire, M. Brun devint Préfet d’Indre-et-Loire. Lors de la grande inondation qui motiva le voyage de l’Empereur, à Tours, il parut à Sa Majesté n’avoir pas déployé toute l’activité désirable dans la direction des mesures urgentes que les circonstances commandaient, et sa disgrâce s’ensuivit.

Mon collègue de Marmande, M. Bugué, ancien Sous-Préfet de la Restauration, maintenu dans son poste, parce qu’il était fort sympathique à tous les partis, me disait un jour : — « Pourquoi vous obstinez-vous à parler de vos affaires au Préfet ? Vous l’ennuyez. Allez donc régler tout cela dans les bureaux. Moi, je m’arrange pour ne jamais lui soumettre de difficultés. Je cultive des camélias, et je lui procure, à l’occasion des variétés nouvelles. Puisque vous êtes musicien, parlez-lui Musique. »

Le conseil avait du bon ; je le suivis, et je m’en trouvai bien. J’apprenais l’Harmonie à mon Préfet, quand je venais au chef-lieu de département, et je lui envoyais, de Nérac, le résumé de chacune de mes leçons verbales, qu’il utilisa pour écrire quelques motifs de sa composition, notés sous mon contrôle.