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bientôt, et avec joie, celle de la lune, à son lever. — La pensée d’échapper aux lits, d’une propreté douteuse, déjà préparés pour nous, et d’aller en chercher ailleurs de moins suspects, si tard que ce fût, nous vint, en même temps, à tous deux. Vite, nous commandâmes de seller et brider nos chevaux, malgré toutes les sollicitations intéressées des hôtes, dont nous avions hâte de régler le compte. Minuit sonnait, quand nous arrivâmes exténués, comme nos montures, au Puy.

Huit mois après, Sous-Préfet de Nérac, je lus, dans mon Journal des Débats, le résumé d’un grand procès criminel jugé par la Cour d’Assises de l’Ardèche. Il s’agissait d’hôteliers, qui profitaient de l’isolement de leur auberge, pour assassiner les voyageurs bons à dépouiller, dont ils faisaient disparaître les cadavres, en les brûlant dans un four. Des querelles de femmes, pour le partage de bijoux volés aux victimes, en mettant la justice en éveil, amenèrent la découverte de ces abominables forfaits. Le nom de Peyrabelle, rapporté par le journaliste, comme celui de l’auberge qui, d’assez longue date, leur servait de théâtre, frappa mon attention. N’était-ce pas justement le nom de notre étape, au retour d’Aubenas ? Assurément, oui ! Mais, je fus bien autrement ému, quand je vis désigné, parmi les disparus, un gros marchand de bestiaux de mon ancien arrondissement, que nous rencontrâmes précisément dans l’auberge en question. M. Dumolin, mon compagnon, le connaissait, comme client, et je me rappelais avoir causé de son commerce avec lui, ce même soir, après dîner. Il venait de la foire de Saint-Ciergues-en-Montagne, canton de Montpezat, après vente de toutes