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Un peu plus tard, on transporta le ballon dans le château d’Hérivaux, où il resta en sûreté jusqu’à la paix. Alors, M. Pique le fit parvenir à l’administration des Postes par la gare de Survilliers et le directeur général accorda une gratification, tant à Grimbert qu’au jardinier du château.

Mais il restait à sauver, ce qui était beaucoup plus important, les dépêches, les lettres et les pigeons ainsi que Lemoine, l’aéronaute, et Thomas, le colombophile.

Parmi les habitants, qui s’étaient joints à Grimbert pour opérer le sauvetage, se trouvait M. Duponnois, propriétaire de l’hôtel Saint-Damien, situé dans la principale rue de la ville et de plus conducteur de diligence. D’après les témoignages que j’ai été assez heureux pour recueillir quelques heures avant de monter à cette tribune, votre estimable compatriote a donné des preuves de patriotisme que je suis heureux de signaler à votre sympathie, comme je le ferai à la Société française de navigation aérienne, dont je suis un des vice-présidents.

C’était précisément dans l’hôtel Saint-Damien que les officiers de la garnison bavaroise se réunissaient plusieurs fois par jour pour prendre leurs repas. L’obligation de pourvoir aux besoins de ce mess, où l’on faisait bonne chère, valait à M. Duponnois l’avantage de traverser, une fois tous les huit jours, les lignes ennemies, afin d’aller acheter à Gournay et même plus près de Rouen les poulets et autres volailles dont les Bavarois appréciaient très bien les excellentes qualités. Ces expéditions gastronomiques avaient lieu généralement le lundi.

De concert avec M. Meu, maire de Luzarches, M. Duponnois résolut de mettre à profit ces habitudes, en quelques sortes traditionnelles, depuis l’invasion, pour faire parvenir à Tours les pigeons, les dépêches et les deux aéronautes que la population recélait ainsi.

Il fut décidé que l’on commencerait par transporter tous les objets à l’hôtel Saint-Damien. On choisit naturellement un moment où l’on pouvait présumer que les officiers bavarois ne se présenteraient point. Mais, comme les habitudes de la garnison n’avaient pas la même régularité qu’en temps de paix, on ferma la porte de l’hôtel, pendant que l’on installait dans le fond du grenier, les quatre paniers à pigeons, qui contenaient des hôtes indiscrets et par conséquent dangereux. Car, heureux d’avoir du grain et de l’eau en abondance, les oiseaux roucoulaient à qui mieux mieux sans se douter des conséquences que leurs ébats pouvaient avoir pour eux.

Si cette précaution n’avait point été prise, tout était perdu, car les Bavarois arrivèrent avant l’heure ordinaire. La circonstance que la porte était fermée et même le temps que l’on mit à leur ouvrir n’excitèrent point leurs soupçons. Lorsqu’ils furent dans la