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Actuellement il exerce la profession de marchand de vin du côté de la Bastille. C’est à son obligeance que je dois les renseignements déjà intéressants que j’ai résumés dans mon ouvrage le Siège de Paris vu à vol d’oiseau, et qui m’ont donné l’idée de la conférence que vous entendez actuellement.

Le 18 novembre, jour où l’ascension devait être exécutée à la Gare du Nord, le temps était excessivement brumeux. Lorsque Lemoine arriva pour procéder aux préparatifs du départ, il fit remarquer que, dans de semblables conditions atmosphériques, il lui serait complètement impossible de choisir le lieu de son atterrissage et que, par conséquent, il ne répondait nullement d’organiser l’atterrissage du « Général Uhrich » en dehors des atteintes des Prussiens. En conséquence, il demanda que le départ fût ajourné.

Ses observations ayant paru fondées, les chefs de la station envoyèrent une estafette à l’état major général pour les communiquer à qui de droit. Mais il fut répondu qu’il fallait partir quand même. Il ne restait plus qu’à obéir, c’est ce que Lemoine fit avec autant d’habileté que de décision.

Jusqu’à ce moment, on annonçait le départ des ballons à grand renfort d’articles dans les journaux ; mais, à partir de l’inauguration du service nocturne, on changea de manière de faire.

On cacha soigneusement le jour de l’ascension, à laquelle on n’admit plus qu’un petit nombre de privilégiés.

L’ascension du « Général Uhrich » n’eut pour témoins que des personnages officiels et un seul journaliste, rédacteur du Gaulois, qui publia un compte rendu reproduit par M. Steenackers, dans son ouvrage la Poste et les Télégraphes pendant le siège de Paris.

Notre confrère peint, en termes assez bien choisis, l’effet sinistre produit sur toute l’assistance par le brusque départ du a Général Uhrich », qui disparut en un clin d’œil dans le brouillard. On eut dit que pigeons, voyageurs et ballon étaient soudainement engloutis, et qu’on ne les reverrait jamais.

Les appréhensions des spectateurs se fussent réalisées, sans la rapidité avec laquelle Lemoine fit traverser la couche de brouillard à son ballon, de sorte que ce qui occasionnait les craintes du rédacteur du Gaulois fut précisément la cause du salut de l’expédition. Grâce uniquement à la force ascensionnelle considérable qu’il donna au « Général Uhrich », Lemoine fut assez heureux pour traverser cette couche épaisse de vapeurs qui, en se condensant à la surface de son ballon, l’aurait prodigieusement alourdi ; ce poids formidable aurait empêché notre brave camarade de se maintenir en l’air pendant le nombre d’heures nécessaires pour attendre le lever du soleil.

Soustrait, grâce à son intelligence, à l’influence pernicieuse de